Depuis au moins une décennie, la qualité de la vie des Tunisiens ne cesse de se dégrader. Non seulement au niveau de l’équilibre psychologique, mais, aussi étrange que cela puisse paraître, au niveau alimentaire.
Ce dernier volet est devenu la préoccupation majeure de l’écrasante majorité de nos compatriotes. Manger et surtout bien manger pose problème. Le constat, sur ce point, est plus qu’alarmant.
Pas de viandes dans son assiette !
Privé de presque tout, chacun est forcé de chercher le moyen le plus sain de se préparer à manger. Mais, malheureusement, les choix ne sont pas si nombreux. Les hausses vertigineuses des prix de toutes les matières et de tous les produits ne lui laissent pas une bonne marge de manœuvre. Le Tunisien est réduit à faire feu de tout bois pour s’assurer un repas équilibré et nutritif. Mais, face à tous les obstacles qui se dressent devant lui, il a du mal à atteindre ses objectifs. Bien manger quotidiennement est un défi que chacun est appelé à relever, sans la moindre garantie de réussite. A qui faudra-t-il s’en prendre ? A l’Etat et ses différents organismes de contrôle et de suivi ? Aux commerçants et aux producteurs ? A ce qu’on appelle les intermédiaires et aux nébuleux circuits de distribution ? A vrai dire, le Tunisien ne sait plus trop quoi faire. Tout ce qui était à sa portée ne l’est plus, aujourd’hui. Sur sa table, il ne peut plus servir grand chose. Dans son assiette, il ne va plus trouver un petit morceau de viande ovine ou bovine. Bien trop chère pour lui. Les bouchers et ceux qui sont derrière eux bravent les autorités. Même si celles-ci ont plafonné les prix des viandes rouges, la réalité sur terrain explique tout. Le kg de viande d’agneau fixé à 43 dinars se vend à plus de 48, voire 50 dinars.
La filière “volaille”
Ainsi, acculés à consommer de la volaille, les Tunisiens sont confrontés, régulièrement, aux pénuries. Bref, on fait tout pour leur compliquer la vie et les maintenir sous pression. Et on trouve, toujours, des responsables de la filière qui nous assomment d’une infinité de justifications sans queue ni tête, à force d’être ressassées. Et dire que dans les années 70, les nouveaux aviculteurs avaient tout fait pour introduire une nouvelle tradition de consommation des poulets “industriels”. Il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour forcer le Tunisien à “bouffer” ce type de viande, alors qu’il était habitué, uniquement, au poulet de ferme. Et à des prix, vraiment, abordables.
Maintenant qu’il est sous la coupe du lobby et réduit comme il est à consommer de la volaille, on prend toutes les libertés pour augmenter les prix en provoquant, de temps en temps, une pénurie ou une rupture de stock et on en passe. Une raison comme une autre pour augmenter continuellement les prix. Pour ce qui est du poisson, l’équation est la même. Il n’est pas besoin de passer en revue les mercuriales. Même les sardines ne sont plus à la portée des petites bourses. Les repas quotidiens sont de plus en plus frugaux. Il y a, tout juste, l’essentiel dans les assiettes. De là à dire que le consommateur est condamné à manger une nourriture sans protéines ni vrais nutriments, il n’y a qu’un pas que les nutritionnistes ont franchi. C’est, d’ailleurs, à eux que devrait revenir le mérite de mener des études et des enquêtes pour évaluer l’impact de cette sous-alimentation qui sévit chez nous depuis ces dernières années.
Ça dépasse l’entendement
Sur un autre volet, c’est la question des fruits et légumes qui ne cesse de préoccuper les consommateurs. C’est, toujours, le même problème de hausse irrépressible des prix. Ce que l’on voit chaque année dépasse l’entendement.
Il est inconcevable et inadmissible que les prix atteignent des niveaux aussi élevés. Et il existe, toujours, des “spécialistes” pour nous expliquer que les coûts de production sont très élevés, que la sécheresse y est pour beaucoup, qu’il y a les spéculateurs, etc. Mais le citoyen n’est pas dupe. Il est convaincu que tous les intervenants ne sont pas exempts de reproches. Tout le monde, y compris le producteur initial, est à mettre à l’index. La cupidité des uns et des autres fait qu’on ne recule devant rien. Pourtant, on sait que, quel que soit le niveau des prix, il y aura, toujours, des acheteurs parmi les classes aisées. Le Tunisien moyen ou à faible revenu n’a plus sa place dans le paysage. Il n’a qu’à se débrouiller. Des poires, des figues, des raisins ou encore des figues de Barbarie voient leur prix atteindre les cieux. Certains frôlent les 30 dinars le kg (cas des figues). Que peut-on faire ? Apparemment, rien. Le Tunisien désespère de voir, un jour, un retour à la normale. Aucune instance n’est en mesure de le défendre ou de l’aider à sortir de cette impasse. Tous les discours prônent des mesures et des dispositions qui ne sont jamais mises en œuvre. Pis encore, personne n’est capable d’agir à son propre niveau pour exercer le moindre boycott.